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Or, de nos jours, tous les poëtes veulent être prosa¬ teurs, d’abord par ambition littéraire, ad exemplar regis Voltaire, et puis, par une sorte de nécessité que leur ont imposée l’insouciance et le peu de goût poétique du public actuel. La plupart des lecteurs ne lisent pas les vers ou s’imaginent que les poëtes ne font pas d’autre métier que d’arranger symétriquement des syllabes so¬ nores, et que la pensée et le sentiment n’ont rien à voir dans cette innocente occupation. 11 est de fait que le dé¬ luge de bons versificateurs dont nous avons été inondés depuis un demi-siècle a dû submerger jusqu’à la der¬ nière étincelle de poésie dans l’esprit des lecteurs, et

que les vrais poëtes ont pu très-bien être emportés dans ce torrent de rimes et d’hémistiches, sans avoir le temps de se faire distinguer du grand troupeau, servumpecas. De là cette méfiance très-naturelle du public à l’appa¬ rition de toute oeuvre de poésie ; de là aussi, l’ardente prétention de prose qui s’est emparée de tous les poëtes dignes de ce nom. Ils ont voulu prouver aux masses que, tout poëtes qu’ils sont, ils savaient s’exprimer en langue vulgaire, et il en est résulté un double bénéfice : nous avons eu de très-beaux romans, des voyages, des livres de philosophie, écrits par des poëtes et qui vont de pair avec les meilleurs ouvrages des prosateurs ; et d’un autre côté, une fois certaine que les poëtes avaient quelques idées et quelques conceptions, l’aristocratie intellectuelle du public a essayé de leurs poésies, et tout le monde s’en est bien trouvé.

Personne n’avait plus de droits que M mo d’Altenheym à cette prétention des vrais poëtes de notre époque, et son volume de prose est une éclatante preuve de plus à l’appui de notre opinion.

La Harpe, Rose-Madeleine, une Tète de Vierge, sont des ouvrages qui savent être grands sans être longs.