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combien il y avait de décousu dans mon instruction et de lacunes dans mes connaissances. Il y a quelque chose de désultoire dans l’esprit et l’éducation des femmes ; elles ne savent jamais rien à fond, ce qui fait que les hommes les battent aisément dans la discussion. Si on est vaincue par un mari qu’on aime, le mal : n’est pas grand. » (Lettre écrite en 1827.)

Cependant Mlle Dillon ne paraissait point pressée de se marier ; elle croyait, à la vérité, que si le bonheur est de ce monde, il n’y est que dans le mariage. Mais ce bonheur était pour elle à de hautes conditions ; il fallait, pour obtenir le sacrifice de sa liberté, de ses goûts, qu’on se fît aimer, respecter, admirer. Elle était décidée à ne pas se donner à moins, et le cercle où elle pouvait choisir se trouvant circonscrit par des circonstances de fortune et de position, elle entrevoyait tranquillement la possibilité de rester fille, persuadée qu’elle s’accommoderait mieux du célibat que d’un mariage imparfait. « Je ne renonce point au mariage, disait-elle à sa sœur, mais je n’en fais pas la condition sine quâ non de ma destinée ; si je trouve l’homme qu’il me faut, eh bien ! je goûterai le paradis sur la terre, l’amour dans le mariage ; sinon, avec toi, mon père, Maurice, mes amis, mes livres et les pauvres, je passerai encore une douce et, je l’espère, un peu utile vie. » (Lettre écrite en juillet 1827.)

Son mariage avec M. Guizot, qui eut lieu en novembre 1828, vint réaliser l’idée qu’elle s’était faite du bonheur conjugal : une communauté tendre et intime de plaisirs, de peines, de pensées et de travaux. Ce bonheur même, elle le sentait si complet, qu’elle en éprouvait une sorte d’effroi. « Dieu me protège ! disait-elle, car je suis une trop heureuse créature ! » Et comme si une voix secrète l’avertissait que son passage ici-bas devait être