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sensibles à la lecture de ces romans où respire la fleur de la galanterie moresque et de la bravoure castillane ; elles adoptèrent le roman, ou plutôt elles s’en firent une conquête, car il leur était réservé de le naturaliser en France par des chefs-d’œuvre. Le roman est resté d’une manière presque exclusive dans le nombre de leurs apanages, et le même succès leur est promis toutes les fois qu’elles embrasseront un genre d’études et de travail analogue à leurs sympathies et à leur caractère.

Le dix-huitième siècle agit fort diversement sur les esprits. Les esprits bornés devinrent plus frivoles ; les esprits graves devinrent plus sérieux ; et il y avait bien de quoi s’attrister sur l’avenir, s’il s’était dévoilé aux regards des hommes ; mais cette double tendance, plus instinctive que raisonnée, se développait sans acception de la nature et de l’importance des idées qui exerçaient la pensée. Par un déplacement bizarre des convenances communes du langage, on parla des choses solennelles en style bouffon, et on broda des phrases prétentieuses et gourmées sur d’insignifiantes bagatelles. Il parut de pesantes dissertations sur la musique italienne, et des facéties d’une gaieté extravagante sur la religion. La fantaisie s’arma d’un sceptre de plomb, et la philosophie d’une : marotte. Le jugement exquis des femmes ne se laissa cependant pas altérer par la révolution de mauvais goût qui s’opérait dans les intelligences ; mais elles payèrent leur tribut à la mélancolie prophétique d’une partie de ces générations de malheur, en négligeant plus ou moins leurs arts favoris pour se livrer à des occu-