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de Mme d’Hautpoul : vous y trouverez une entente admirable du rhythme français, et la plus heureuse flexibilité de talent qui joint la grâce à l’énergie, le naturel à l’élégance, et sait, comme le dit le législateur du Parnasse :

Passer du grave au doux, du plaisant au sévère.

Aussi me semble-t-il que Mme d’Hautpoul fait les idylles comme Deshoulières, les romans comme Berquin, les nouvelles comme Florian, et l’harmonie de son style est souvent un écho sonore de la lyre qu’animait le divin Racine.

Je suis sûr de n’être démenti par personne, si, parmi tant de beaux vers, je cite le fragment suivant du poëme dû Achille et de Déidamie, celui où, déguisé en femme, le fis de Pélée s’est montré à la cour de Lycomède.

Plus jeune que ses sœurs, pas encore aussi belle,
Et telle qu’une fleur que le bouton recèle»
Déidamie, à peine au printemps de ses jours,
Joint les traits de Vénus à l’age des amours.
Pour la première fois son beau teint se colore
De ce rouge ingénu qui l’embellit encore ;
De sa nouvelle sœur elle approche en tremblant,
La reçoit dans ses bras avec frémissement ;
Achille a partagé le trouble de son âme ;
Sa grâce le ravit, son désordre l’enflamme ;
Combien il va chérir ce vêtement trompeur
Qui seconde l’amour sans blesser la pudeur !
En vain autour de lui tant de beautés s’empressent.
Il n’est plus qu’un objet â qui ses vœux s’adressent ;
Admis à leurs plaisirs, se mêlant à leurs jeux,
Il ne suit que ses pas, ne cherche que ses yeux ;
Il lui lance un regard, puis un regard plus tendre ;
Déidamie encor ne sait pas les entendre.
Pourtant elle rougit, un trouble plein d’appas
Lui révèle un danger qu’elle ne connaît pas.
À la course il la suit, l’atteint bientôt, l’arrête,
La presse dans ses bras, pour prix de sa conquête ;
La frappe avec douceur d’un thyrse verdoyant.
Lui demande un baiser qu’elle évite en riant ;