Page:Biographie des femmes auteurs contemporaines françaises.pdf/262

Cette page n’a pas encore été corrigée

importe que ce corps soit revêtu de plus ou moins d’or, brillant de plus ou moins de diamants, chamarré de plus ou moins de cordons. La pauvre Elisa Mercœur n’était ni heureuse ni riche, et elle y fut traitée comme l’enfant de la maison. Elle sait même, avec cet art que donne la générosité du cœur, faire respecter des yeux la sottise et le ridicule qui s’introduit partout, je ne sais comment, à côté de l’esprit et du bon goût. Nous ne nous en plaignons cependant pas, il n’est rien de plus utile que les sots ; mais comme une maîtresse de maison ne peut pas établir avec infaillibilité, comme l’ange du jugement dernier, la séparation des bons et des mauvais, il s’en glisse peut-être chez la duchesse d’Abrantès : c’est un luxe qui fait contraste.

Indépendamment de ses grandes soirées, la duchesse d’Abrantès a, comme M me Geoffrin, dont elle est le modèle du côté du cœur, des petits cercles littéraires ; mais ces soirées-là sont pour l’intimité intime, sans pédanterie ni prétention : ce sont plutôt des confidences de poésie et de drame, des causeries rieuses et point du tout un bureau d’esprit. 11 est impossible de trouver une femme célèbre aussi dégagée de toutes les mesquineries, et surtout des jalousies si fréquentes chez les femmes auteurs. Mme d’Abrantès aime trop le talent pour l’étouffer dans son germe. Enthousiaste, mais enthousiaste vraie de la poésie et de la musique, elle est excellente musicienne ; compositeur elle-même, elle la comprend dans ses difficultés. Tout ce qui est progrès dans les arts est saisi vivement par son âme, qui a été créée jeune pour rester toujours jeune. Elle a été et sera séduisante à tout âge : ses admirations même peuvent témoigner de son goût. Ses deux plus grandes sympathies sont pour Bonaparte et Hugo, Napoléons de la politique et de la littérature.