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motifs secrets qui se dérobent à notre intelligence. Ces histoires ressemblent à peu de chose près aux moules pris sur la figure des personnages célèbres ; opération qui ne se fait habituellement qu’après la mort. Nous avons bien les traits et les formes ; mais les couleurs, mais le sang qui animait cette figure, mais le cœur, où est-il ? où est enfin l’homme ? L’homme est mort et nous n’avons que sa statue. Les mémoires historiques sont au contraire un portrait, une copie vivante. C’est un théâtre où les personnages comparaissent dans toute leur nature, c’est-à-dire dans leur nudité. On les connaît par leur nom ; on sait leurs caractères, leurs penchants, leurs discours ; on les voit enfin en déshabillé. C’est un costume terrible sans doute et dont beaucoup de héros ont peine à sortir aussi glorieux, aussi poétiques qu’on les représente ; mais en revanche, ce que perdent les hommes supérieurs se répand avec profusion sur les inférieurs. Nous apprenons quelle part ils ont prise à tel fait honorable ou blâmable ; nous savons de quel poids a été leur conseil ou leur sagesse dans tel événement politique et privé. Enfin, au lieu d’admirer du dehors la machine de Marly ou même le plus simple moulin à vent placé sur notre route, nous pénétrons dans l’intérieur, nous découvrons quel ressort fait jouer cette roue et cette roue, ce mouvement ; nous voyons enfin l’âme de ce grand corps et nous assistons aux merveilles préparatoires de l’enfantement. Non-seulement le désir louable de s’instruire se jette avec avidité sur les mémoires historiques, mais encore la malice elle-même en fait son butin le plus doux. Il y a une jouissance extrême à disséquer ainsi les réputations. L’esprit humain accomplit alors cette opération que des théoriciens voudraient faire subir à Paris en faveur des provinces : il décentralise la gloire.