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la parole faire partager une sensation ; mais ici, disait- elle, c’est impossible, et je la voyais pâlir à ce souvenir! Combien elle avait dû souffrir !

« Pendant huit jours, cette horrible question fut renou¬ velée ; au bout de ce temps, les douleurs avaient cessé : les membres avaient repris leur mouvement, leur élasti¬ cité, et un mois après l’entrée du bon paysan dans notre maison, ma mère était sur son balcon, appuyée sur le bras de mon père, regardant autour d’elle avec cette joie pure qu’on ressent toujours après un nouveau .bail passé avec la vie, quelque peu qu’elle vaille et qu’on la prise.

«Une particularité singulière, c’est l’oubli total dans lequel elle était tombée dé sa grossesse et de son accou¬ chement : mon père l’avait pénétré avec douleur sans en pénétrer la cause véritable. 11 croyait que les douleurs horribles produites par cette couche avaient inspiré à ma mère de l’aversion pour l’enfant dont elle était ac¬ couchée. Cet enfant, c’était moi. Dès que mon père crut s’apercevoir que ma mère, par son silence absolu, m’exilait d’auprès d’elle, il donna les ordres les plus rigoureux pour que la nourrice se tînt à l’autre extrér mité de l’hôtel. C’était sa tendresse pour tous deux qui lui dictait cette conduite. Ma mère était trop malade encore pour qu’il l’irritât en la raisonnant sur une aberration d’esprit, et il me ménageait un retour auprès d’elle.

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«Pauvre petite!» disait-il en m’embrassant avec ten¬ dresse et avec larmes, «pauvre petite!» • ’ _

« Il y avait quatre mois que ma mère était accouchée. On était aux premiers jours de mars. L’air était embaumé de ces profusions de parfums causés par les émanations . des-plantes printannières qui, dans le midi, ont-une odeur plus enivrante. Ma mère était sur son balcon, respirant la vie et jouissant doublement de rentrer à