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que tous les suivirent dans leur retraite plus que modeste ; presque tous s’empressèrent à l’envi de leur offrir des consolations, de leur faire oublier par leurs prévenances et leurs égards tout ce que leur nouvelle position avait de pénible, et tout ce qu’elle leur imposait de privations.

Dans cet état de renoncement aux plaisirs du grand monde, Mlle de Savignac se créa des distractions, sinon plus agréables, au moins plus utiles, plus profitables, plus en rapport avec l’activité de son esprit et la solidité de son jugement. Les ouvrages des philosophes moralistes, des historiens et des auteurs les plus distingués parmi les anciens et les modernes, devinrent dès lors sa société la plus intime. Elle aimait à les relire, à les commenter ; quelquefois même elle s’exerçait à les comparer entre eux, à les défendre ou à les combattre, selon qu’ils lui paraissaient être dans le vrai ou dans le faux, dans le naturel ou l’exagéré. Habituée qu’elle était à reconnaître dans sa mère la suprême régulatrice de ses actions comme de ses sentiments, de ses idées d’éloignement ou de ses répugnances comme de ses préférences ou de ses entraînements, elle lui soumettait modestement ses doutes et ses impressions diverses : bien différente en cela de la plupart des jeunes personnes de nos jours, qui pensent tout savoir sans avoir presque rien appris, qui se croiraient humiliées d’interroger l’expérience et de se diriger d’après la sage autorité de leurs parents. Mme de Savignac, en mère tendre, affectueuse, se prêtait volontiers à ces petites discussions littéraires : douée elle-même d’un bon fonds d’instruction, et jouissant avec satisfaction des progrès de sa fille, elle se complaisait à entretenir son goût pour l’étude et à donner à ses moindres travaux une direction raisonnée vers un but constamment utile.