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sans cesse. C’est ainsi et en lisant et relisant l’Artpoétique 1 que j’appris, autant que je puis l’apprendre, à élaguer, à polir, à limer, à peindre, et à trouver dans un amas de tableaux sans suite, sortis sans aucune méthode de mon âme et de ma plume, les sept élégies que tu as lues. C’est alors que les difficultés se révélèrent successive¬ ment! Elles m’attachaient, au lieu de me rebuter ; et ce¬ pendant je n’avais encore aucune intention d’arriver à quelque chose qui fût digne d’étre offert au public..

«Je crois maintenant, sans que je parle ici pour moi, que l’exercice du talent donne l’art : c’est en travaillant que le goût, ce mélange exquis de l’esprit et du senti¬ ment, ce tact prompt, délicat, inné, qui devance le juge¬ ment, et que le jugement confirme ; c’est en travaillant, dis-je, qu’il s’éclaire et s’épure. Peut-être aussi les femmes dfevinent-elles cet art, que les hommes, vu l’é¬ tendue et l’importance de leurs ouvrages, apprennent si péniblement et cultivent si laborieusement. Enfin le peu que j’en ai était en moi. Je ne connaissais alors aucun homme de lettres, et mes élégies étaient pour ainsi dire faites lorsque, par suite d’un mariage qui lia sa famille à la mienne, M. Ducis me trouva au milieu de ses nièces, m’y distingua et m’en donna le titre…..

«A peine osais-je parler devant lui, et j’avais plus de peur que d’envie de lui montrer mes vers. Pourtant il en entendit parler et me les demanda. Je ne te répéterai pas ce qu’il m’en dit. Ce fut lui qui exigea que je les fisse imprimer, et je cédai à ses instances, mais ce. fut en tremblant L’accueil du public a. pu seul me rassurer. 11 me fait penser, comme je viens de te le dire, que les difficultés sans cesse renaissantes dans ce genre de tra-


1 Je parle ici de l’art de faire les vers. Quant à Téléjjie, Boileau me semble avoir trop circonscrit son domaine.