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Le bonheur est partout lorsque l’on a votre âge,
Enfant ! Mais rien ne peut arrêter au passage
    Votre printemps d’amour.

La jeunesse et la joie ont des ailes pareilles ;
Chacun prend une fleur dans leurs fraîches corbeilles
    Et la fane à son tour.

Quand on pense qu’un jour ce front pur, cette bouche
Si fraîche encor qu’à peine un sourire la touche,
    Changeront de couleur ;
Que le Temps, sans pitié, sur ces traits que l’on aime
Viendra poser sa main, on ressent en soi-même
    Une amère douleur.

Et pourtant il le faut ; c’est ainsi qu’est la vie :
Toujours l’heure qui suit d’un regret est suivie,
    Depuis le gai matin,
Jusqu’au soir, ou, marchant sans trouble et sans prestige,
On voit que bien souvent la fleur manque à la tige,
    Le convive au festin.

Cette pièce porte la date de 1831. Ainsi c’est à vingt ans que cette poétique intelligence semait, au milieu des fleurs, des ris, des enivrements de la musique et du bal, dans des vers délicieux, les pensées les plus austères, les plus graves. Mélange de tristesse et de joie douce, de philosophie et de sentiments gracieux, ces vers offrent l’empreinte d’une réflexion profonde. On est étonné de la part d’une âme si nouvelle à la vie d’entendre des sons si plaintifs. Que fera donc la vieillesse, si dans l’âge où tout est vivement coloré par les reflets d’une riche aurore, la Muse chante avec des cyprès à sa lyre, et donne des regrets à des jours qui ne sont point encore venus ! Ah ! pour rencontrer de telles expressions, il fallait vivre à notre époque, il fallait naître dans un temps où toute une grande période de l’esprit humain s’ouvre et se ferme en quelques années.

Ce que je viens de montrer avec tant de réserve serait bien suffisant pour construire une véritable biogra-