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cordé que nous voulions lui mettre entre les mains ; et nous allions trouver, dans cette expérience, une démonstration complète de l’exercice ou du non-exercice du sens de l’ouïe, si F… avait pu rétablir l’accord et se servir de son violon comme il le faisait d’habitude. — Mais la crise s’est terminée avant que nous ayons pu faire cette expérience si simple.

« Cette scène, que je me suis attaché à reproduire fidèlement, est intéressante par l’enchaînement des faits qui se sont succédé depuis la lettre écrite sous nos yeux à son amie ; elle marque le moment où l’idée de concert se présente à son esprit. Depuis lors, jusqu’au moment où il la réalise, tout s’harmonise et concourt au même but ; il poursuit la même idée pendant au moins trois quarts d’heure sans que rien ne l’en puisse distraire un instant.

« C’est là un des points de vue tout particulièrement intéressants dans cette observation, car il accuse clairement la différence essentielle qui existe entre l’état psychologique du sommeil et du rêve et les conditions spéciales que la maladie de F… a créées à son innervation cérébrale. »

L’histoire du sergent de Bazeilles présente des analogies frappantes avec celle des somnambules hystériques qui ont été cités plus haut, et en même temps on peut relever des différences notables qui ne permettent pas de réunir cette observation aux précédentes.

L’analogie, c’est l’existence de plusieurs vies psychologiques séparées. F…, à la suite d’une blessure à la tête, présente, par accès, une activité psychique spéciale qui se distingue de sa vie normale et constitue, si l’on veut user de ce terme, un état de condition seconde ; la séparation des deux existences est faite ici, comme dans le cas de Félida, surtout par la mémoire ; le malade rentré dans sa vie normale ne se souvient plus de ce qu’il a fait, de ce qu’il a dit pendant sa crise, des assistants qui l’ont entouré et des épreuves auxquelles on l’a soumis. L’état de crise diffère aussi, semble-t-il, de l’autre état par un changement de caractère, et notamment par cette impulsion au vol per-