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l’état somnambulique initial. Les observations de Gurney, dont nous avons parlé plus haut[1], trouvent ici une confirmation d’autant plus sérieuse qu’elle résulte d’expériences appartenant à un ordre d’idées différent.

Il faut d’abord rappeler en quelques mots le mode habituel d’exécution des suggestions post-hypnotiques. En général le sujet qui a reçu l’ordre d’exécuter tel ou tel acte après son réveil, par exemple dix minutes après son réveil ou bien à un signal convenu d’avance, ce sujet, en se réveillant du sommeil hypnotique, semble reprendre la libre et entière possession de son intelligence ; il n’est plus suggestible, ou l’est devenu beaucoup moins ; il ne sait rien du somnambulisme qui vient de s’écouler, il n’a même pas connaissance de cette suggestion, qu’il va cependant exécuter dans un instant. Si on lui en parle avant que l’heure sonne ou que le signal soit donné, il ne comprend pas ce qu’on veut lui dire, il rit et se moque. Puis, tout à coup, brusquement, le tableau change ; la conversation entamée s’arrête, on voit la physionomie du sujet se modifier, et parfois prendre une expression frappante de résolution violente, et la suggestion est exécutée (Beaunis, Liégeois).

D’après les auteurs qui n’ont point reconnu le phénomène de division de conscience, c’est le sujet normal, le sujet d’état de veille, qui accomplit la suggestion post-hypnotique. Le cas peut en effet se présenter ; mais en analysant quelques détails des observations classiques, on voit déjà poindre la division de conscience. Ainsi, on a donné au sujet en somnambulisme l’ordre d’un vol ou l’hallucination d’un oiseau ; il commet le vol pendant l’état de veille ; il éprouve l’hallucination ; il se rappelle donc la suggestion, mais non la suggestion entière ; il a oublié la parole de l’expérimentateur ; il ne sait pas de qui il a reçu l’ordre ; il ne sait même pas qu’un ordre lui a été donné.

Cet oubli partiel, que j’ai décrit ailleurs avec M. Féré[2],

  1. Voir p. 76.
  2. Magnétisme animal, p. 154.