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extrêmement intenses ; je les ai vues prendre le plus souvent la forme d’images visuelles. L’image visuelle est devenue aussi éblouissante au dire des malades qu’une sensation produite par la lumière électrique ; elle s’extériorisait et pouvait couvrir les objets extérieurs à la façon d’une hallucination, si bien que le sujet qui lit un journal pendant l’expérience est obligé de suspendre la lecture, il cesse de voir les caractères imprimés ; quand les sujets arrivent à ce degré de sensibilité, des excitations extrêmement légères apparaissent aussitôt sous la forme visuelle, et il arrive parfois qu’ils croient voir l’excitation qui est portée sur le tégument.

Un exemple sera nécessaire pour se faire une idée nette de ce qui se passe. J’applique un jour sur la nuque anesthésique d’une jeune fille hystérique un petit disque en cuivre, de 2 cent. 5 de diamètre, et portant un petit dessin en relief ; le disque, que la malade n’avait jamais vu, cela va sans dire, est maintenu pendant quelques instants au contact de la peau ; la malade s’agite, elle se plaint d’avoir des éblouissements ; elle voit des taches lumineuses de forme circulaire qui brillent devant ses yeux ; chaque fois qu’on augmente la pression sur le disque, l’éclat de la sensation augmente, et si la pression devient trop forte, elle peut produire le même effet qu’un jet de lumière électrique, elle immobilise la malade en catalepsie. Mais n’allons pas jusque-là ; maintenons simplement le contact, pour chercher jusqu’à quel point la perception du disque de cuivre se fait exactement. Pour ne pas faire des interrogations fertiles en suggestions, je prie la malade de prendre un crayon et de dessiner ce qu’elle voit. C’est une pauvre fille sans grande instruction, qui n’a jamais appris à dessiner, et qui, en outre, est atteinte d’amyotrophie juvénile ; les masses musculaires de son bras, dont elle se sert pour dessiner, sont atrophiées au point qu’elle peut à peine le soulever jusqu’à sa tête. Malgré ces conditions défectueuses, la malade arrive à tracer le dessin suivant, que nous plaçons ici à côté de l’original ; et pour permettre la