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fermons. Comment savons-nous qu’elle est fermée ? D’abord nous le savons parce que nous avons conscience de notre volonté ; mais une cause quelconque aurait pu s’opposer à notre mouvement, et notre acte de volonté serait resté identique ; avoir conscience de sa volonté, ce n’est donc pas avoir conscience du mouvement lui-même ; ce qui nous permet de percevoir le mouvement à mesure qu’il s’exécute, c’est la vue et la sensibilité du membre qui agit. Ces deux ordres de sensations sont de nature centripète ; ce sont des faits extérieurs, transmis au cerveau par les nerfs sensitifs ; ce sont, de plus, des impressions consécutives au mouvement exécuté ; elles sont postérieures au mouvement, elles en sont la copie ; elles donnent au sujet le sentiment de l’énergie qui a été déployée.

Le premier et le plus simple moyen d’information est celui de la vue. Lorsque l’individu a les yeux ouverts et fixés sur son membre en action, il est informé par sa perception visuelle de la position occupée par son membre et de l’acte exécuté. S’il écrit, la vue de sa plume lui apprend à chaque instant, et avec une précision parfaite, la lettre qu’il vient de tracer. La vue n’est pas seulement le témoin du mouvement, elle en est aussi, et par voie de conséquence, le régulateur ; elle le précise, le rectifie, le corrige. Lorsqu’on ferme les yeux, les mouvements difficiles ou inusités deviennent incertains, et l’on sait à quel point une personne qui commence à jouer du piano a besoin du contrôle visuel pour ne pas faire de fausses notes.

Le sens de l’ouïe nous fournit une autre source d’informations, mais de valeur bien moindre. On peut, les yeux fermés, se rendre compte qu’on écrit en écoutant le bruit de la plume sur le papier. Mais c’est surtout pour connaître la qualité des sons émis par la voix que l’oreille nous est utile. Le rôle de direction qu’elle exerce sur les mouvements des organes vocaux est tout à fait remarquable ; on a souvent observé que les sourds ont une parole rude et peu harmonieuse, parce qu’ils ne s’entendent pas parler et qu’ils ne peuvent pas régler l’émission de leur voix.