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LA PARESSE ET L’ÉDUCATION MORALE

que l’une de ces portes serait réservée aux petites anormales. Mais on y a bien vite renoncé ; et, en fait, la porte d’entrée spéciale n’a jamais servi. Ce qui à première vue semblait un danger était en réalité un avantage. Aujourd’hui, sous l’influence de M. Belot, on a établi des relations aussi nombreuses que possible entre la classe des petites anormales et la population du reste de l’école. On s’est même aperçu que ces rotations ne servent pas seulement aux petites anormales, mais encore, et surtout, aux grandes fillettes normales qui trouvent là une occasion merveilleuse d’apprendre, en les pratiquant, la solidarité et le dévouement ; c’est une des meilleures applications pour le cours de morale qu’on leur fait à l’école. Les repas de cantine, les récréations, les leçons de gymnastique, de travail manuel, d’art ménager se prennent en commun, c’est-à-dire en même temps, dans les mêmes préaux ou dans les mêmes classes. Ce contact incessant permet aux petits anormaux de vivre avec des enfants mieux élevés, mieux tenus, qui leur servent d’exemple, et qu’ils imitent dans leurs manières et leurs propos.

De plus, les classes supérieures fournissent des élèves qui deviennent les petites mères des jeunes anormales. Nous nous sommes préoccupés, avec M. Belot, de donner une forme matérielle, administrative, à cette coopération, car tout doit être réglé dans une école. Il ne faut pas que les sentiments des enfants se manifestent seulement dans des fêtes, des réjouissances, des jeux et des danses en commun, ou pendant les visites officielles. Il ne faut pas non plus que l’assistance des grands pour les petits se traduise trop fréquemment par des cadeaux de vêtements ou d’argent, car, une fois engagé dans cette voie, on peut aller trop loin, enlever toute spontanéité aux normaux, en leur imposant une sorte de taxe des pauvres, comme on le fait en Angleterre ; et, d’autre part, les anormaux trop dorlotés, trop gâtés, finiraient par croire que ces soins