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LA PARESSE ET L’ÉDUCATION MORALE

active que les élèves sont plus nombreux, car il faut bien plus d’autorité pour tenir quarante élèves que dix. Il se rappellera le mot de Richelieu : « diviser pour régner » ; il séparera les mutins ; il empêchera surtout les indisciplinés de corrompre les dociles ; il distribuera les places de manière à ce que les actifs soient à côté des indolents ; il s’efforcera de former un noyau de bons élèves représentant une tradition de travail et de discipline ; il se souviendra que l’exemple et l’émulation sont de grandes forces et il les tournera en sa faveur.

On a eu l’idée, dans certaines écoles de Paris, de diviser les classes en sous-groupes, composés de dix à quinze élèves ; ces sections ont reçu des noms de grands hommes : Turgot, Pasteur, Victor Hugo ; on s’efforce de leur donner une personnalité et on s’y est pris de diverses manières. On s’y est pris surtout en excitant la rivalité entre deux groupes et en accordant des récompenses collectives à chacun d’eux, toutes les fois que celui-ci obtient une moyenne de notes qui est supérieure à la moyenne du rival. Quand cette solidarité est bien sentie, on voit les enfants les plus travailleurs du groupe surveiller les paresseux et même leur reprocher de faire perdre des points à la petite société. N’est-il pas ingénieux et vraiment touchant d’amener un écolier à tenir à un de ses camarades le langage suivant : « Est-ce que tu ne peux pas travailler davantage ? » Le seul inconvénient de ces groupements est leur caractère artificiel ; ils ne reposent pas sur un intérêt réel, mais sur une convention ; il est vrai qu’avec des enfants on peut donner à une simple convention beaucoup de valeur morale.


Une dernière question vient à l’esprit. À parcourir toutes ces descriptions de moyens qui sont à notre disposition pour forger les âmes, on trouve que ces