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LA PARESSE ET L’ÉDUCATION MORALE

on agirait à coup sûr. La principale difficulté vient toujours des apathiques et des vicieux. Mais existe-t-il des apathiques complets, des enfants insensibles à tous les excitants, et n’ayant aucune tendance naturelle dont on pourrait tirer profit ? Si de tels enfants existent, ils doivent être en quantité négligeable. Quant aux enfants vicieux, amoraux, aux futurs criminels, à ceux qui font l’effroi des éducateurs, je suppose que par leur psychologie ils ne diffèrent pas aussi profondément que par leur conduite des autres enfants que nous considérons comme normaux. Ils sont sans doute peu altruistes, peu enclins à la tendresse et à la pitié ; ils manquent souvent même de cette sensiblerie qui peut suppléer la sensibilité ; rappelons-nous avec quelle froideur les criminels écoutent les plaintes déchirantes de leurs victimes, avec quel sang-froid, parfois quelle ivresse ces brutes ont fait couler le sang, même dans des situations atroces. Mais dans ces êtres, même les plus endurcis, on trouve encore des rudiments de sentiments, qui s’ils avaient été convenablement cultivés, auraient pu les protéger contre leur déchéance. Presque tous ont de la vanité, une vanité ridicule et énorme, qui a poussé sur leur fond d’égoïsme. Voyez quel prix ils attachent à l’opinion publique, comme ils recherchent la publicité de la cour d’assises, comme ils sont fiers de voir leur nom imprimé dans les journaux. Sans y prendre garde, on permet véritablement à leur vanité de produire les effets les plus pernicieux ; c’est leur vanité qui, avec la complicité de la presse et de l’opinion, devient une excitation au crime, alors que mieux orientée elle devrait en devenir une prophylaxie. Remarquons encore quelles sont leurs relations avec leurs complices, avec ceux qui font partie des mêmes bandes ; la manière dont ils se vantent de leur adresse et de leur courage ; la manière dont des camarades les poussent quelquefois au