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C’est l’idée émise par notre collègue et ami M. Boitel, le directeur de l’école Turgot ; il veut que chaque élève dessine lui-même la courbe de son travail, d’après ses notes de quinzaine, car l’ascension ou la descente de la courbe ont bien plus d’éloquence que les différences arithmétiques des notes. Un père de famille dont le fils est soumis à ce système, me disait un jour : « Quand mon garçon rentre de l’école le samedi, je lui dis aussitôt : Eh bien, est-ce que ça monte, ta courbe ? »

Bien que cette méthode des graphiques individuels n’ait pas encore été scientifiquement contrôlée, — en pédagogie, on ne contrôle rien, c’est l’usage — elle mérite d’être essayée. Seulement, il ne faut jamais être un éducateur à l’esprit exclusif ; on se priverait par là d’un grand nombre de ressources. L’émulation est une force, un excitant inouï pour certaines natures que l’ambition dévore. Un maître intelligent saura toujours en tirer parti.

Après les récompenses, qui sont comme le paiement du travail et de la bonne conduite, citons l’effet moral produit par l’approbation du maître. Il y a une approbation tacite, qui est de l’action la plus heureuse. Les élèves bien doués et encore jeunes travaillent surtout pour faire plaisir à leur maître, et c’est une raison pour que celui-ci ne soit pas trop souvent remplacé par un autre ; un sentiment vague et général de contentement, un petit sourire suffisent à stimuler le zèle ; et ce sont, je crois, les mobiles d’affection qui agissent le plus souvent pour faire travailler les élèves ; qu’on y ajoute l’influence de l’habitude sur le travail, l’influence de la tradition et de la routine, et comme en sourdine l’action préventive de quelques punitions toujours possibles, et cela suffit, il n’en faut pas davantage.

Mais parfois il est bon que l’approbation vague s’accentue, devienne un éloge, un compliment, un