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LA PARESSE ET L’ÉDUCATION MORALE

autre joujou ou un autre vêtement. Son avis est que l’enfant pâtisse, par l’obligation où il sera de se payer lui-même un autre jouet, et, s’il n’a pas d’argent, il se passera de joujou, et mettra le vêtement déchiré. Ceci, ce n’est pas seulement de l’éducation, c’est un enseignement philosophique, car rien ne donne mieux à l’enfant le sens de la vie, le sentiment de sa responsabilité, et surtout cette notion que les choses ne sont bonnes et mauvaises que par leurs résultats salutaires ou nuisibles. On s’irritera contre des punitions artificielles que le caprice d’un maître peut vous imposer, et, par suite, on détestera le maître, on deviendra l’ennemi de ses parents ; mais les sanctions de l’existence, on les comprend mieux, on sent mieux leur impérieuse logique et on s’y soumet de meilleur cœur.

Il y a beaucoup de vérité dans ce système d’éducation ; en fait, dans tous les pays, les enfants y sont soumis partiellement, car, si surveillés et protégés qu’ils soient par des parents timorés, ils ne sont jamais soustraits complètement aux conséquences de leurs erreurs ; un défaut d’attention produit bien souvent un faux pas et une chute. Et, d’autre part, la plupart des enfants vivent dans la société d’autres enfants de même âge ; leurs personnalités se rencontrent, se choquent, se blessent, apprennent à se dominer et à se soumettre à la volonté du plus grand nombre ; l’enfant s’aperçoit alors que ses actes reçoivent, non seulement une sanction naturelle, mais aussi une sanction sociale ; c’est encore une excellente éducation que cette coéducation ; et les enfants élevés solitairement reconnaissent plus tard que cette première leçon de la vie leur a bien manqué ; ils ont plus de peine à s’adapter au grand milieu social, quand ils n’ont pas fait leur apprentissage dans le milieu du collège.

Ceci admis, nous sommes obligés d’ajouter que le