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LES IDÉES MODERNES SUR LES ENFANTS

l’intelligence ne la crée pas. Tout le monde a connu des maîtres éminents qui étaient impuissants à conduire une classe. Pour la même raison, on trouve des mariages où c’est l’époux le plus intelligent qui obéit à l’autre.

Même remarque pour la bonté, la bienveillance, l’affection que montrent certains maîtres à leurs enfants ; quelques-uns savent leur donner cette impression si profonde et si belle qu’on les traite toujours avec justice. Mais les qualités du cœur sont encore, j’ai regret à le dire, des qualités accessoires ; elles ne servent à rien, si elles ne sont pas appuyées par une autorité forte. On ne sait aucun gré à un maître d’être bon, s’il n’a pas le pouvoir de se faire craindre ; sa bonté paraît faiblesse. Et, d’autre part, il se rencontre des maîtres qui sont secs, froids, indifférents jusqu’à la malveillance ; mais ils savent agir sur leur troupeau.

L’autorité vient uniquement du caractère. Si l’on veut un autre mot, mettons volonté. Disons encore : force, puissance, coordination. Ce qu’il faut au maître, c’est une volonté qui ne soit point impulsive, ni débile, une volonté calme, qui réfléchit, qui ne s’emporte pas, qui ne se contredit pas, qui ne menace jamais en vain. Les parents sans ascendant sont ceux qui s’occupent trop peu de l’éducation de leurs enfants, qui sont toujours prompts à s’énerver, qui punissent avec excès, mais effacent trop vite la punition ; qui donnent des directions contradictoires, d’abord un ordre, puis un contre-ordre ; qui surtout menacent l’enfant coupable, mais ne tiennent jamais à exécuter la menace, et sont les premiers à rire de son esprit et de ses incartades. Qu’ils ne s’étonnent pas de manquer d’autorité ; c’est tout simplement par manque de caractère. Si vous voulez avoir de l’ascendant, commencez par faire votre propre éducation, tâchez d’acquérir un caractère, et le reste ira tout seul.