Page:Binet - Les Idées modernes sur les enfants.djvu/316

Cette page a été validée par deux contributeurs.
309
LA PARESSE ET L’ÉDUCATION MORALE

pour l’énervement qu’on éprouve. De même, si on oblige un enfant à se taire, ou à rester immobile, c’est pour protéger sa tranquillité de parents, et sans réfléchir combien l’immobilité peut être malsaine pour un petit être. Le grand défaut de tous ces moyens, c’est que celui qui les emploie reste à son point de vue. Il en résulte que la punition se mesure à l’état de colère de celui qui l’impose ; et elle devient une véritable vengeance ; car lorsqu’on est en colère, il faut frapper très fort pour se sentir soulagé.

Un second mobile, qui est un peu plus avouable que le précédent, mais qui ne mérite pas encore l’épithète d’éducatif consiste à punir l’enfant « pour l’empêcher de recommencer. » Ce n’est pas encore de l’éducation, c’est un système de préservation analogue à celui qui est organisé par la société contre les malfaiteurs ; dans ce cas, la société ne songe pas à l’intérêt du délinquant, mais à son intérêt propre ; elle se défend.

Pour un véritable éducateur, une répression ne se justifie que parce qu’elle a pour but d’améliorer l’individu, de le mettre mieux en forme, de lui permettre une adaptation plus exacte à son milieu. C’est pour l’amener au contrôle personnel qu’on le contraint ; c’est pour assurer sa liberté ultérieure qu’on restreint sa liberté actuelle. Voilà la seule excuse de la mainmise que l’éducation exerce sur lui.


Après avoir défini l’idéal de l’éducation morale, examinons le résultat pratique qu’elle se propose d’obtenir : ce résultat est une modification de la conduite. L’éducation morale ne consiste pas seulement à suggérer des idées justes, larges et humaines ; elle ne consiste pas seulement à faire naître, au moyen de paroles appropriées, des sentiments louables. Ni les idées, ni les sentiments ne suffisent ; il faut encore que l’action s’ensuive. Un être bien édu-