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LES IDÉES MODERNES SUR LES ENFANTS

térêt de l’élève lui-même, quand elle est maintenue dans une juste mesure, quand surtout elle est pure de tout sentiment de vengeance, est un des plus puissants leviers de l’éducation.


Mais alors, dira-t-on, vous admettez que l’éducation consiste, comme l’action des tribunaux, à faire régner la justice parmi les enfants, et qu’elle se propose de les punir lorsqu’ils transgressent une loi juste ? Les idées de responsabilité morale, de peine et de justice sont en effet des idées qui se tiennent. Mais je ne crois pas que l’éducation ait pour but d’administrer de la justice aux petits ; il suffit qu’elle donne satisfaction à notre sentiment du juste, et qu’elle ne le choque pas. Il y a bien des cas où les moyens éducatifs s’emploient en dehors de toute considération du juste et de l’injuste. Je ne puis en citer de meilleure preuve que l’exemple suivant qui est bien trivial. Un enfant a la mauvaise habitude de s’oublier pendant son sommeil ; franchement, entre nous, ce n’est pas lui qui en est responsable, c’est sa moelle épinière ; cependant si une punition sévère peut être assez efficace pour couper court à cette habitude, on n’hésitera pas à la lui appliquer. Une telle punition nous paraîtra légitime, quoique injuste, parce qu’elle sera donnée dans l’intérêt bien entendu de l’enfant.


C’est là en effet le but de l’éducation ; et insistons là-dessus, car il nous semble qu’en pratique, ce but est souvent méconnu. Les maîtres parfois, et surtout les parents, qui morigènent et punissent les enfants, semblent se mettre à des points de vue qui n’ont rien d’éducatif. Il y a beaucoup de punitions qu’on leur inflige par un pur sentiment d’égoïsme.

Un enfant crie, on le frappe ; un chien aboie trop fort, on lui allonge un coup de pied. C’est une sorte d’acte réflexe, un moyen de défense, un soulagement