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LES IDÉES MODERNES SUR LES ENFANTS

car la volonté est surtout un effet, un résultat. Mais cette interprétation, si elle n’est pas soutenable psychologiquement, a une vraie valeur pédagogique, comme nous allons le montrer ci-après.


II

l’éducation morale


Nous avons dit que les maîtres, quand ils croient avoir affaire à un élève paresseux, l’accusent de mauvaise volonté ou d’insuffisance de volonté et veulent le rendre responsable de cette insuffisance. Mais on s’est demandé si cette manière de voir est bien juste. D’abord, est-elle d’accord avec les opinions qui sont en faveur aujourd’hui sur le déterminisme ? Si on n’admet pas l’existence, ni même la possibilité métaphysique du libre-arbitre, n’inclinera-t-on pas à croire que l’enfant paresseux est un irresponsable, puisqu’il est une victime d’antécédents physiologiques dont il ne sait rien et que du reste il n’a pas créés ? Et de plus, allant plus loin, on dira : comme ces antécédents physiologiques qui expliquent la faiblesse du vouloir sont souvent pathologiques, ne devra-t-on pas considérer l’impuissance de la volonté comme une altération de la volonté, et faire du paresseux un malade qui a surtout besoin du médecin ? Les médecins consultés là-dessus n’ont point l’habitude de se déclarer incompétents, bien au contraire ; ils ont une tendance toute professionnelle à accepter la théorie pathologique de la paresse, puisqu’ils trouvent le plus souvent dans l’organisme des enfants paresseux qu’on leur amène des faiblesses constitutionnelles ou des maladies caractérisées des poumons, du cœur, et surtout de l’estomac et du système nerveux. On a vite fait de parler d’anémie et de neurasthénie.