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LES IDÉES MODERNES SUR LES ENFANTS

fait aider constamment par sa famille ; c’est la famille qui fait les devoirs et travaille pour lui ; un autre encore copie sans cesse sur ses camarades et se dispense ainsi de tout travail personnel. Toutes ces influences peuvent expliquer un fléchissement de la disposition à l’effort, mais les mêmes influences agissent vraisemblablement sur bien d’autres élèves et ne suffisent pas à les rendre paresseux ; l’explication ne me paraît donc pas complète. Dans d’autres cas, l’instituteur met en cause un état de découragement. Un enfant qui s’aperçoit tous les jours que, malgré son travail, il reste le dernier de sa classe et reçoit de mauvaises notes, arrive au découragement et même au dégoût de l’étude, surtout s’il ne trouve pas auprès de ses parents un réconfort moral. On nous cite des exemples topiques. La famille de cet enfant est indifférente ; quand il rentre chez lui, il ne trouve personne avec qui il éprouverait ce plaisir, si grand chez un enfant, de parler de ce qui se passe à l’école. Ailleurs, le père et la mère lui donnent l’exemple de la paresse et de l’incurie. Ailleurs encore, on se moque ouvertement, devant lui, de l’école ; on tourne le maître en dérision ; ou bien, ce qui est plus fréquent encore, on lui apprend à considérer le maître comme un ennemi, et les punitions comme des marques de méchanceté. Je me demande si, lorsque le cas présente une forme aussi accentuée, nous n’avons pas plutôt affaire à une contre-éducation qu’à de la paresse. Enfin, les maîtres nous citent une dernière cause de paresse : c’est l’insensibilité aux excitants habituels ; l’élève, nous disent-ils, est indifférent à tout, il est atone ; ou bien on ajoute cette remarque qu’il n’est pas accessible à l’émulation ; remarque très grave, car l’émulation est le principal ressort de l’écolier. Toute cette explication est un peu sèche, un peu superficielle, et on ne se rend pas encore bien compte de ce qui constitue le fond de l’enfant paresseux.