Page:Binet - Les Idées modernes sur les enfants.djvu/298

Cette page a été validée par deux contributeurs.

est mauvaise. Disons plutôt que la vie est médiocre, car elle nous apporte toujours un bonheur inférieur à ce que nous avons souhaité, et un malheur inférieur à ce que les autres ont souhaité pour nous.

De la ponctuation, une compréhension exacte, de la mémoire verbale, voilà ce que nous trouvons dans cette seconde rédaction. Il est évident que la supériorité d’Antoine est écrasante. Elle l’est du reste pour toutes les expériences qu’on pourrait imaginer sur la faculté verbale.

Regardons maintenant le revers de la médaille ; cherchons d’autres épreuves qui ne touchent point à la faculté verbale, mais qui intéressent l’ensemble de l’intelligence sensorielle. Soumettons nos trois jeunes gens à un exercice qui n’exige point du tout d’intelligence, mais surtout de la mémoire visuelle. Faisons-leur reproduire une ligne capricieuse ; c’est une ligne brisée, composée de lignes droites et courbes ; on la contemple dix secondes, puis on la reproduit de mémoire. D’après un système de notation qu’il est inutile de décrire ici, nous pouvons chiffrer l’exactitude de la reproduction. Celle de Louis vaut 7, celle d’Ernest vaut 6 ; et quant à Antoine, le littéraire, il ne s’élève qu’à 3,5. C’est bien la preuve qu’il est inférieur pour la mémoire sensorielle.

Mais conclurions-nous de ces analyses psychologiques qu’Antoine est un verbal et que les deux autres élèves sont des praticiens, si nous n’avions pas déjà la preuve de leurs aptitudes par leur travail de tous les jours ? Certainement non. Nous l’avons dit et nous le répétons : la détermination des aptitudes ne s’établit pas avec des tests mentaux, ou plutôt, on peut la démontrer avec des tests de résultat, jamais avec des tests d’analyses. Rappelons-nous la distinction faite déjà à ce propos, dans notre chapitre sur la vision ; rappelons-nous les observations faites sur Armande, la jeune fille qui, d’après un millier d’analyses, appar-