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LES APTITUDES

d’abord que quelques-uns ne profitent pas de l’enseignement parce qu’ils ne voient pas, et quelques autres parce qu’ils n’entendent pas ; on fit donc une première séparation et on organisa des écoles spéciales pour les aveugles et les sourds-muets. Ensuite, on remarqua que certains enfants ne peuvent pas suivre les leçons parce qu’ils manquent d’attention ou qu’ils sont débiles d’intelligence ; on vient de les séparer aussi du reste des élèves, et en ce moment on s’occupe de créer pour eux des classes spéciales, dites classes d’anormaux. L’auteur annonce que ce même travail de sélection devrait se continuer en éliminant des classes ordinaires les débiles de corps, pour lesquels on organiserait des écoles de plein air. Ce n’est pas tout, et l’auteur, poussé par l’élan qu’il s’est lui-même donné, en vient à déclarer que les normaux doivent à leur tour être divisés en un certain nombre de catégories, suivant leurs aptitudes, reconnues par des maîtres ou des spécialistes, et qu’à chacune de ces catégories il va falloir donner un enseignement différent, différent surtout au point de vue professionnel. Puis l’auteur s’arrête là. Toute sa bonne volonté ne lui permet pas d’aller plus loin que cette conclusion un peu vague.

Je crois bien que, malgré sa réserve finale, il n’en a pas moins commis une grosse erreur : c’est d’avoir eu seulement l’idée qu’il est possible de diviser les normaux en groupes aussi tranchés que les sourds, les aveugles et les anormaux. Il oublie que ce qui caractérise un normal, c’est qu’il n’est pas un être d’exception, mais un être moyen dont les caractères sont ceux d’une moyenne. S’il existe dans l’humanité des aptitudes diverses, soyons bien certains que le normal, c’est-à-dire l’individu moyen, les possède toutes à quelque degré et que c’est là précisément ce qui fait qu’il est un type indifférent, bien équilibré et sans marques propres. Ceci soit dit sans même envisager tous les inconvénients très grands qu’il y aurait à spé-