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LA MÉMOIRE

même proposé de les grouper, suivant ces aptitudes, en classes différentes. Mais il semble que peu à peu cet engouement a diminué, et on est arrivé aujourd’hui à une appréciation plus pondérée. Il nous reste maintenant à exposer ce qui paraît être raisonnable dans cet ordre d’idées et surtout ce qui peut être directement utilisé par l’éducation. C’est une étude de mise au point que nous entreprenons.

Tout d’abord, il doit être admis comme absolument exact que la mémoire n’est point une faculté unique ; il n’existe pas une mémoire, mais des mémoires ; c’est-à-dire toute une série de mémoires spéciales, locales. L’importance de cette distinction n’est pas seulement dans les mots ; elle résulte aussi de cette observation que les mémoires spéciales sont indépendantes les unes des autres au point de vue de leur développement et de leur puissance ; telle personne a une meilleure mémoire pour a, telle autre pour b. Mais la question est de savoir quels sont les points de vue les plus importants auxquels il faut se placer pour distinguer ces diverses sortes de mémoires. Nous estimons qu’il y a lieu de distinguer principalement : 1o des mémoires différentes par leur objet ; 2o des procédés différents de mémorisation, et 3o des procédés différents d’idéation.

1o Depuis bien longtemps, il est d’observation courante que les individus ne se rappellent pas tous avec la même exactitude les mêmes genres d’objets. Il y en a qui observent beaucoup ce qui existe autour d’eux et se rappellent bien tout ce qu’ils ont vu ; d’autres se souviennent mieux des idées, des conversations, des théories. Dans ce qu’on voit, l’un retient mieux la couleur, un autre la forme. D’autres se rappellent surtout les raisonnements mathématiques ; d’autres, les leçons de physique et de chimie. Il est connu que la mémoire de la musique est une mémoire à part : on l’a ou on ne l’a pas. Les exemples