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LES IDÉES MODERNES SUR LES ENFANTS

chose, mais ce peu, toujours très élémentaire, était bien appris, bien compris, bien assimilé. Ne demander à chaque enfant que ce qu’il est réellement capable de faire, quoi de plus juste, quoi de plus simple ?


Voilà pour le programme des choses à enseigner. Il reste à définir la méthode par laquelle on enseigne. Sur ce dernier point aussi, nos classes d’anormaux nous ont beaucoup appris. Ayant des enfants qui ne savaient pas écouter, ni regarder, ni se tenir tranquilles, nous avons deviné que notre premier devoir n’était pas de leur apprendre les notions qui nous semblaient le plus utiles pour eux, mais qu’il fallait d’abord leur apprendre à apprendre ; nous avons donc imaginé, avec l’aide de M. Belot et de tous nos autres collaborateurs, ce qu’on a appelé des exercices d’orthopédie mentale ; le mot est expressif, et a fait fortune. On en devine le sens. De même que l’orthopédie physique redresse une épine dorsale déviée, de même l’orthopédie mentale redresse, cultive, fortifie l’attention, la mémoire, la perception, le jugement, la volonté. On ne cherche pas à apprendre aux enfants une notion, un souvenir, on met leurs facultés mentales en forme.

Nous avons commencé par des exercices d’immobilité. Il fut convenu que dans chaque classe, le maître, une fois par jour, inviterait tous ses élèves à prendre une attitude et à la garder, comme une statue, pendant quelques secondes d’abord, puis toute une minute ; l’immobilité devait être prise par tous brusquement au signal, puis cessée brusquement à un second signal. Au premier essai, on n’obtint rien de bon ; toute la classe fut secouée par du fou rire. Puis, peu à peu, on les calma ; l’exercice perdant son caractère de nouveauté, les enfants s’y accoutumèrent. L’amour-propre s’en mêla. Ce fut à qui maintiendrait le plus longtemps l’attitude. J’ai vu des enfants turbu-