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L’INTELLIGENCE

guérir de ce honteux défaut. Ils avaient raison de vouloir l’en guérir. Mais ils s’y prenaient bien mal ! La vraie méthode consiste à aller du facile au difficile ; il faut donc donner à l’enfant l’occasion de peurs d’abord très légères qu’il sera capable de dominer, car tout est là, il faut lui apprendre le contrôle de soi-même ; puis à mesure que ce pouvoir de contrôle augmentera, on rendra les expériences plus pénibles, mais par degrés très lents, avec beaucoup de circonspection de cette façon-là, le succès est presque toujours assuré au bout de l’apprentissage. Mais si on veut agir brusquement, brutalement, sans s’adapter aux forces de l’enfant, on lui fait plus de mal que de bien ; si on lui fait éprouver une peur pénible, atroce, qu’il est incapable de dominer, alors on lui donne l’habitude du trouble mental, du déséquilibre on lui apprend à ne pas réagir, à être peureux. Un de mes amis, timide à l’excès dans son enfance, avait eu un père médecin qui, pour le rendre brave, le conduisit dans une chambre mortuaire, lui montra un cadavre, le lui fit toucher ; l’enfant en eut un émoi dont il garde encore la trace ; dix ans après, à Paris, il ne put pas entrer à l’amphithéâtre et renonça à faire de la médecine. On le voit, c’est toujours la méconnaissance du même principe élémentaire de méthode et de prudence.

Aussi, on comprend pourquoi les enfants anormaux qui ont été admis dans les classes spéciales ont si bien profité de l’enseignement. Un maître attentif était là, qui, n’ayant que peu d’élèves, au nombre de quinze environ, pouvait connaître individuellement chacun d’eux. Ce maître veillait sur eux, il s’assurait si l’élève avait bien compris la leçon ; dans le cas contraire, on recommençait, au lieu de passer outre. On demandait à chaque élève un petit effort, mais on proportionnait l’effort à sa capacité, et on exigeait qu’il fût fait réellement. On leur apprenait peu de