Page:Binet - Les Idées modernes sur les enfants.djvu/154

Cette page a été validée par deux contributeurs.
147
L’INTELLIGENCE

domaine l’étude de l’aliéné servir à la psychologie de l’individu normal. Nous ne nous trompons pas. Les méthodes bonnes pour l’éducation des anormaux rendraient aux normaux, avec quelques variantes, les plus grands services. Un des meilleurs maîtres de classes spéciales que je connaisse, M. Roguet, me disait un jour, avec un éclair dans les yeux : « Qu’est-ce que je n’aurais pas obtenu autrefois de mes élèves, des enfants intelligents, si je les avais traités comme ceux-ci ! »


Comment donc, par quel procédé a-t-on pu arriver à fixer toutes ces attentions débiles et errantes, à ouvrir, à forcer toutes ces intelligences fermées ? C’est à cette explication-là que nous voulons en venir, car elle est capitale, tout le monde le comprend. Mais il ne faut pas croire que nous allons avoir à inscrire ici des principes inédits d’éducation. Pour expliquer les succès de ces classes, il suffira de remarquer qu’on a été conduit, un peu volontairement, un peu par la grâce du hasard, à éviter quelques-unes des erreurs les plus dangereuses qui vicient la pédagogie actuelle. Et ce que nous allons en dire paraîtra si simple, si terre à terre qu’il faudra peut-être un peu de temps et de réflexion pour en saisir l’intérêt.

Le premier souci des maîtres a été de mettre l’enseignement à la portée de leurs élèves. Ils ont parlé de manière à être toujours compris. Si beaucoup de ces retardés n’avaient pas profité des leçons de leurs anciennes classes, c’est un peu par inattention, c’est surtout parce que les leçons passaient par-dessus leur tête ; elles étaient trop compliquées pour eux, trop abstraites ; elles impliquaient trop de notions préalables qu’ils ne connaissaient pas. Supposons que nous écoutions une leçon de géométrie, et qu’on nous explique le centième théorème ; eussions-nous l’esprit d’un Pascal, nous ne serons pas capables de le comprendre,