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L’INTELLIGENCE

fants, on s’aperçoit d’un fait important pour la psychologie de l’intelligence ; c’est qu’il est impossible de trouver une seule épreuve qui soit telle que, lorsqu’on l’a franchie, toutes les précédentes soient franchies et toutes les autres soient ratées. Ainsi prenons l’interprétation des images ; elle se fait couramment à onze ans ; néanmoins il y a des enfants plus jeunes qui la réussissent et il y a des enfants plus âgés qui échouent et font encore de la description d’images. Chaque enfant a son individualité. Tel réussit mieux l’épreuve A et échoue pour l’épreuve B. À quoi tiennent ces différences individuelles dans les résultats expérimentaux ? Nous n’en savons rien au juste, mais nous pouvons supposer avec une grande apparence de raison que les facultés mentales intéressées par des épreuves différentes sont elles-mêmes différentes et inégalement développées, selon les enfants. Si celui-ci a plus de mémoire qu’un autre, nous trouverons naturel qu’il réussisse mieux dans une épreuve de simple répétition. S’il a davantage des aptitudes au dessin, il montrera plus d’habileté à comparer des grandeurs de lignes. Une autre raison peut être alléguée. Tous nos tests supposent un effort d’attention ; or, l’attention varie sans cesse de concentration, surtout chez les jeunes ; maintenant elle est intense, une minute après elle se relâche. Supposons que le sujet ait un moment de distraction, de gêne, d’ennui pendant une épreuve, le voilà qui échoue. On ne peut pas douter de la justesse de cette dernière raison. Nous en sommes pénétrés à ce point que nous jugeons chimérique et absurde de mesurer une intelligence d’enfant d’après un très petit nombre d’épreuves.