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L’INTELLIGENCE

leurs explications qu’ils ont compris le texte un peu obscur qu’on leur a lu, on leur dit : « Vous avez oublié… c’est très difficile de se rappeler tout… et vous n’avez peut-être pas une grande mémoire. » Ils s’empressent, en effet, d’accuser leur mémoire, et l’honneur est sauf.

Enfin, nos dernières investigations ont porté sur des soldats, en convalescence à l’hôpital du Val-de-Grâce, à Paris, et ne présentant plus rien de pathologique. Un médecin militaire nous avait conviés à faire ces examens, à la suite d’une demande que nous avions adressée au Ministre de la Guerre, pour qu’on introduisît en France l’usage de rechercher, comme on le fait actuellement en Allemagne, les conscrits atteints de débilité intellectuelle. En interrogeant une quinzaine de soldats avec nos tests, nous eûmes l’occasion de recueillir quelques-unes de ces réponses vraiment ineptes qui avaient été obtenues déjà par des officiers curieux de connaître l’instruction de leurs hommes ; ce sont des réponses qui ont fait déjà la joie, la triste joie de beaucoup de journaux. Nous admettons, pour notre part, que les soldats illettrés ou mal instruits sont très nombreux ; mais, lorsqu’on fait ces sortes d’examens, on devrait surtout se méfier d’une cause d’erreur, qui abaisse grandement le niveau intellectuel des candidats, c’est la timidité des hommes devant leurs chefs. Cela nous a beaucoup frappés. Nous étions installés comme des juges de conseil de guerre, dans une grande salle, dont les murs austères étaient décorés de panoplies de sabres ; parmi les soldats qu’on nous amenait, il y en eut plusieurs qui, malgré notre accueil amical, restaient pâles, avec une voix tremblante et des gestes convulsifs dans la face et dans les mains ; c’étaient ces émotifs qui nous donnèrent quelques réponses fantastiques.

Nous remarquâmes alors que la présence de quelques officiers supérieurs, curieux de voir notre pro-