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L’INTELLIGENCE

nullement exercées. On l’avait rendue crédule, superstitieuse, poltronne et elle faisait des réponses de sotte, bien qu’elle ne manquât d’intelligence naturelle.

À ce propos, je me permettrai de faire une petite digression. Il semble que je viens de faire le procès de l’instruction automatique ; et, d’autre part, on sait que beaucoup de bons auteurs ont soutenu que l’instruction doit viser à l’automatisme, et même le docteur Le Bon a dit, dans une formule heureuse, que l’éducation est l’art de faire passer le conscient dans l’inconscient.

Je crois cette formule très juste, et il me semble, en effet, que l’idéal pour un calculateur est de faire des multiplications en gardant les retenues sans y penser, et de savoir la table de multiplication sans avoir besoin de tâtonner ; de même, un médecin possède bien son métier le jour où, après l’examen d’un malade, il trouve sans peine, sans efforts, et tout à fait automatiquement le diagnostic qui convient. Mais l’idée juste que je signale ici cesserait d’être juste, si on la poussait trop loin ; si l’on concluait, par exemple, que l’individu tout entier doit être transformé par l’éducation en automate, c’est-à-dire en inconscient. L’automatisme n’est bon que s’il reste partiel, que s’il se cantonne sur certaines parties du travail, afin que celles-ci deviennent faciles, sûres et rapides et que l’économie d’effort ainsi produite permette à l’individu de bien développer son sens critique et son initiative. Il faut user de l’inconscient pour donner libre essor au conscient.


Il arrive encore, et très fréquemment, qu’un enfant a été mal classé. Le directeur, après un examen un peu sommaire, l’a mis dans une classe trop forte, et cette erreur de classement cause un préjudice important à l’enfant, qui est en train de perdre son année. Dans des cours préparatoires, qui devraient