Page:Binet - Les Idées modernes sur les enfants.djvu/109

Cette page a été validée par deux contributeurs.
102
LES IDÉES MODERNES SUR LES ENFANTS

ment, leur spontanéité, bref leur intelligence. Tout s’enseigne par questions et réponses, à la manière d’un catéchisme, et si quelqu’un interroge l’élève par une phrase inattendue, l’élève reste coi. Pour répondre, il attend qu’on lui pose exactement la question A, qui est dans son livre, et aussitôt il se rappelle la réponse B. William James raconte à ce sujet une plaisante anecdote : « Une de nos amies, visitant une école, fut priée d’interroger sur la géographie une classe de jeunes élèves. Jetant un coup d’œil sur le manuel, elle demanda : « Supposez que vous creusiez dans le sol un trou d’une centaine de mètres, ferait-il plus chaud ou plus froid au fond du puits qu’à l’ouverture ? » Personne ne répondant, le maître dit : « Je suis sûr qu’ils savent, mais je crois que vous ne posez pas la question de la bonne manière. Laissez-moi le faire. » Et, prenant le livre : « À quel état, demanda-t-il, se trouve l’intérieur du globe ? » La moitié de la classe répondit immédiatement : « L’intérieur du globe est à l’état de fusion ignée. » C’est un amusant exemple d’enseignement automatique.

Il y a pis. J’ai connu une jeune fille qui sortait d’un internat, où elle venait de passer une dizaine d’années ; non seulement, elle ne connaissait rien de la vie, et avait l’air ahuri de quelqu’un qui sort de prison, mais encore elle n’avait reçu pendant son internat aucune sorte d’instruction intellectuelle ; elle lisait mal, avait une orthographe fantastique, ne savait pas même faire une multiplication, et n’avait pas les moindres notions d’histoire ni de géographie et même sa couture laissait à désirer. Mais ce qu’elle savait à peu près, c’était l’histoire sainte, et une grande quantité de prières et de cantiques qu’on lui avait fait apprendre en latin et qu’elle récitait sans les comprendre. Ce n’était pas seulement une instruction manquée, mais encore les facultés intellectuelles de raisonnement et de jugement n’avaient été