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COMMENTAIRE HISTORIQUE

Or ce sonnet, publié en octobre 1552 dans la première éd. des Amours, fut écrit pour la naissance du fils aîné d’Antoine de Bourbon, Henri duc de Beaumont-au-Maine, né le 21 septembre 1550 et mort le 20 août 1552 ; Ant. de Bourbon eut un second fils, Louis-Charles, conte de Marles, né le 19 févr. 1552 et mort la même année ; un troisième fils lui naquit le 13 décembre 1533, Henri, et ce fut celui-là qui devint Henri IV.

L’erreur de Pasquier, reproduite par Blanchemain (V, 318), s’explique par une fausse interprétation de ce titre équivoque qu’on lit dans les éd. de Ronsard à partir de 1584 : « Sur la naissance du duc de Beaumont, fils aîné du duc de Vendôme et Roy de Navarre ». — Les premiers vers, et les seuls, à vrai dire, que Ronsard ait adressés à Henri de Bourbon datent de son mariage avec Marg. de Valois (août 1572), et il se serait bien gardé alors de faire la moindre allusion à la possibilité de son avènement au trône de France (Bl., V, 319). C’est seulement dans un poème élégiaque, le Caprice à Simon Nicolas, écrit à la fin de 1584, alors que le dernier fils de Henri II, François d’Anjou, venait de mourir (juin 1584), et que son avant-dernier fils, Henri III avait la réputation de ne pouvoir être père, c’est seulement dans ce poëme (resté inédit jusqu’en 1609) que Ronsard appela de tous ses vœux le règne du prétendant huguenot Henri de Bourbon, qui était devenu le plus proche héritier de Henri III (Bl., VI, 330).

On voit à quoi se réduit la prophétie de Ronsard relative au futur Henri IV. Le Caprice et le fragment de la Loy divine cité par Binet prouvent simplement qu’après avoir soutenu le parti des Catholiques pendant tout le règne de Charles IX, notre poète s’était rallié dans les dernières années de sa vie au parti des Politiques. Sur ce point ont vu juste Gandar, thèse fr., pp. 129-32, et Perdrizet, Ronsard et la Réforme, pp. 131 à 139.

P. 48, l. 27. — à ton honneur. Comme on le voit, « l’eschantillon » du poème ne commençait qu’après ces huit vers en 1587. Binet ne les avait pas publiés alors par respect pour Henri III, qui régnait encore. Mais quand Henri de Navarre fut devenu roi de France (février 1594), Binet n’eut plus le même scrupule, et il publia le fragment complet à la fin d’un ouvrage intitulé Les Destinées de la France (Paris, J. Mettayer, 1594, in-4o). Cf. tome VIII de l’éd. Bl., p. 89, et Brunet, Manuel du Libraire, 5e édition, tome IV, p. 1386. Ces huit vers paraissaient donc pour la deuxième fois en 1597.

P. 48, l. 53. — il s’approche. Tout ce fragment a été réimprimé avec d’autres à la fin des (Œuvres de Ronsard, dans les éditions de 1617 et de 1623, où les éditeurs du xixe siècle l’ont pris. (Bl., VII, 280 ; M.-L., VI, 271.) Il y était suivi d’une note anonyme (probablement de Claude Garnier), que ces éditeurs ont reproduite sans en faire remarquer l’incohérence. La voici telle que je la lis dans l’éd. de 1617 (tome supplémentaire des « pieces retranchées », p. 385) : « Ces vers qui semblent un oracle par Monsieur C. Binet Beauvaisin apres la mort de Ronsard, ce qu’il n’avoit osé faire imprimer du vivant de Henri 3, ont été donnez à un autre Beauvaisin qui les a conservés à la posterité. »

Il est évident qu’un mot est tombé à l’impression après oracle : Bl.