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ET CRITIQUE

ne voit pas comment Binet a pu trouver dans ces vers la preuve des « médisances » dont fut l’objet Ronsard pindariseur, puisque le poète y dit au contraire qu’il se voit « prisé » pour avoir « pindarisé ». C’est du remplissage illogique.

P. 19, l. 9. — maçonné. Cf. Bl., II, 303 ; M.-L., II, 380. Ode publiée en octobre 1552, la 3e du Cinquiesme livre des Odes avec ce simple titre A Madame Marguerite (elle ne devint duchesse de Savoie qu’en 1559 par le traité de Cateau-Cambrésis), mais composée dès la seconde moitié de 1550 (v. ma thèse sur Ronsard p. lyr., pp. 79 à 82). Binet la cite d’après l’éd. de 1584.

P. 19, l. 12. — de Marie. C’est en 1555 que parurent les premières pièces inspirées par Marie, dans la Continuation des Amours ; les autres parurent en 1556 dans la Nouvelle Continuation des Amours. Elles furent réunies dans la première édition collective (1560) sous le simple titre : Deuxième livre des Amours, qui fut conservé dans les éd. suivantes. C’est seulement à partir de 1584 que cette section des Amours se termina par la clausule : « Fin de la premiere partie des Amours de Marie Angevine. » D’ailleurs Ronsard indiqua dès 1555-60 à plusieurs reprises le lieu d’origine de sa Marie, la ville de Bourgueil (alors en Anjou, aujourd’hui dans le département d’Indre-et-Loire ; voir notamment Bl., I, 151, 179, 191, 220, 230.

Quant au changement de son style, Ronsard en a lui même parlé à la fin de l’Elegie à son livre (Bl., I, 146) et Remy Belleau l’a souligné dans son Commentaire du Deuxieme livre des Amours (M.-L., I, 405 et 407). V. ma thèse sur Ronsard p. lyr., pp. 150 à 175 )

P. 19, l. 14. — de Bourgueil. « Souvent » est exagéré. Ronsard a écrit une seule fois :

J’aime un pin de Bourgueil, où Venus appendit
Ma jeune liberté... (Bl., I, 173 ; M.-L., I, 154),


et encore est-ce une variante que Binet lisait dans l’édition de 1584, au lieu du texte primitif de 1556 « un pin eslevé ».

Il est vrai qu’il a également écrit dans un sonnet de la même année :

Si quelque amoureux passe en Anjou par Bourgueil
Voye un pin eslevé par dessus le village. (Bl., I, 179.)


(Binet lisait en 1584 : « Voye un Pin qui s’esleve au-dessus du village »), et dans le Voyage de Tours, qui est de 1560 :

Par le trac de ses pas j’irois jusqu’à Bourgueil
Et là, dessous un pin, couché sur la verdure
Je voudrois revestir ma premiere figure (Ibid., 189) ;


ce qui suffit, étant données les habitudes des poètes du xvie siècle, à justifier l’hypothèse de Blanchemain, appelant cette Angevine Marie du Pin (Bl. VIII, 26, M.-L., I, 406).

Tout en admettant avec les deux derniers éditeurs de Ronsard le jeu de mots qu’il aurait fait par trois fois sur le mot pin (comme Marot dans l’épigramme XII De Madamoyselle du Pin), je crois qu’il s’appliquait non pas au nom de Marie (à moins de l’écrire Dupin), mais à