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DE PIERRE DE RONSARD

grandeur et venerable Majesté de ses conceptions, comme il est floride, rond, reserré, pressé quand il veut, egal à son sujet, nombreux, elegant et poli, plein de propres epithetes, riche de mots et termes significatifs, agreable en comparaisons industrieuses, elabourées et recherchées *, et en toutes ces choses autant tousjours semblable à soymesmes comme en varieté d’inventions et d’argumens il est tousjours dissemblable et different[1] ? |33]

On trouva sur son nom d’assez heureuses rencontres, en Grec ΣΩΣ Ο ΤΕΡΗΑΝΔΡΟΣ, et en François, quelques[2] lettres perduës, Rose de Pindare, et d’autres que je laisse aux plus curieux[3] *.

Il avoit envie, si la santé et la Parque l’eussent permis, d’escrire

  1. A un point après different. BC remanient et augmentent cette fin d’alinéa ainsi :

    B unique. Qui n’admireroit son divin Genie, la grandeur et venerable Majesté de ses conceptions, la variété de ses entrelassemens Poetiques, dont il enrichit comme de franges et passemens ses divins ouvrages : la facilité inimitable de ses vers : comme il est floride, rond, reserré, pressé quand il veut, egal à son suject, d’un vers nombreux et sonoreux *, elegant et poly, d’un stile hautain, non errené ny trainant à terre ou effeminé : comme il est aggreable en comparaisons industrieuses et nayves, elabouré en vives descriptions, et en toutes ces choses autant tousjours semblable à soy-mesmes, comme en variété d’inventions et d’argumens il est tousjours dissemblable et different ? Ainsi que l’ingenieuse Abeille, il s’est servi si dextrement des fleurs des meilleurs escrivains, qu’il en a rendu le miel tout sien *.

    C unique. Prenez garde à son eloquence diversiffiée de toutes varietez et qui entierement imite la nature mere de toutes choses, qui n’a esté estimée belle par les anciens que pour estre inconstante et variable en ses perfections *, comme une Musique parfaite en son armonie de plusieurs et divers tons, et accors. Pouvant appeller le corps de ses œuvres un petit monde accomply de toutes parties belles en leur diversité, tant il imite le monde naturel : Car comme cettuy-cy d’un costé se montre fertile et luxuriant en riches moissons, esgaié de belles et ver-florissantes prairies, que mille ruisseaux et fonteines resjoüissent de leurs courses argentines, puis environné de cette grande mer bruiante qui rehausse et releve son embellissement : d’autre costé vous la voiez hispide et chevelue de tant de bocages et hautes forestz, sterile en landes et bruieres, seiche en tant de païs sablonneux, et deserte en tant de rochers et pierreuses montagnes, ce qui rend ce Tout parfait [on lit Tout-parfait | en sa variété, ainsi devons nous admirer le divin Genie de sa Poësie *, la grandeur et venerable majesté de ses conceptions, la variété de ses entrelassemens Poëtiques dont il enrichit comme de franges et passemens ses divins ouvrages, la facilité inimitable [on lit immitable] de ses vers, comme là il est floride et copieux, par fois aride et raboteux, icy rond, reserré, et pressé quand il veut, d’un vers nombreux et savoureux, elegant et poly, d’un stile hautain, non errené ny trainant à terre ou effeminé : agreable en comparaisons industrieuses et naïves, elabouré en vives descriptions, et en toutes ces choses autant tousjours egal à son sujet, et à soy-mesmes, comme en varieté d’inventions et d’argumans il est tousjours dissemblable et different, representant toutes les Muses ensemble qui ont toutes diverse et differente face, en laquelle neantmoins on recognoist que elles sont sœurs et filles de Jupiter et Mnemosine (sic). Ainsi que l’ingenieuse abbeille, il s’est servi si dextrement des fleurs des meilleurs escrivains qu’il en a rendu le miel tout sien.

    (Vient ensuite l’alinéa qui commence par Les Satyres qu’il avoit faites..... V. ci-dessus, p. 40.)

  2. A François quelques
  3. C développe cette phrase en la transposant plus haut, p. 14, note 3.