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CHAPITRE V

Du mot à l’idée.


Les expériences nouvelles que je vais décrire ne diffèrent des précédentes que par une petite nuance ; elles se font semblablement avec des mots ; seulement, les mots ne sont pas inventés par le sujet, ils sont prononcés ou montrés par l’expérimentateur, et le sujet doit simplement dire quelle est l’idée que chaque mot lui a donnée. Il faut surtout, avant de commencer ce genre d’expérience, bien expliquer ce qu’on veut, quel but on vise, et quelle attitude le sujet doit prendre ; dans les explications qu’on donne, l’important n’est pas la phrase qu’on prononce, mais le sens que le sujet comprend et retient. Si on réfléchit un instant à la recommandation qui est faite : « Dire la première idée qui est suggérée par le mot, » on sera frappé du vague et de l’équivoque de cette formule : en combien de sens différents on pourrait l’interpréter !

Dans les expériences d’écoles primaires que j’ai faites, les élèves, au lieu d’analyser leur idée, ont pris dès le début l’habitude fâcheuse de me donner une réponse verbale sacramentelle ; cette habitude provient probablement des traditions de l’école, où l’on interroge les élèves en leur demandant une réponse précise. Du reste, cette réponse verbale que me donnaient les petites primaires de 12 ans variait beaucoup suivant les enfants. L’un, peu intelligent, fait du verbalisme. À « chanteur », il répond : « vient de chanter », à « je cours », il répond : « courir »,