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besoin faible de se rendre compte, un goût peu décidé pour la précision — j’exagère dans tout ceci le type mental de mon sujet, pour mieux faire saisir une pensée — on comprendra comment Armande paraît avoir un si grand nombre d’idées abstraites ou générales. Quant à la question de savoir si ce sont là réellement des idées abstraites et générales, nous l’examinerons dans un chapitre spécial.


6o Imagination

J’appelle mots d’imagination ceux qui réunissent un des caractères du souvenir à un des caractères de l’abstraction. Les créations de l’imagination ressemblent au souvenir en ce qu’elles sont détaillées et précises, et elles ressemblent à l’abstraction en ce qu’elles ne correspondent à aucun fait ou objet extérieur, qui aurait été perçu antérieurement.

À l’inverse, on peut dire que les choses fictives ne sont pas des souvenirs parce qu’elles sont fausses, et ne sont pas des abstractions parce qu’elles sont détaillées.

Je vais citer plusieurs exemples de mots d’imagination, tous empruntés à Armande.

Connaissance. — A pensé à quelqu’un qui perd connaissance, une jeune fille étendue sur un fauteuil, ce n’est pas un souvenir.

Émietter, nourrir. — A pensé à des personnes imaginaires qui émiettent du pain et nourrissent des oiseaux.

Craintivement, épouvante, panique, peur, résultat, encombrement, chaussée, piéton. — A vu des gens cernés, qui ne pouvaient pas fuir. C’était dans une ville, à Paris, c’était une épouvante de foule ; a vu la chaussée du boulevard Montparnasse envahie par beaucoup de monde.

Papillon, aubépine, fleur. — A pensé à un papillon jaune blanc, dans un coin de forêt où nous étions allés la veille et où nous avions garé nos bicyclettes. Elle ne l’avait pas vu, ce papillon, il n’est pas un souvenir, c’est une œuvre