Page:Binet - L’étude expérimentale de l’intelligence.djvu/288

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CHAPITRE XIV

La vie intérieure


On donne le nom d’introspection à la connaissance que nous avons de notre monde intérieur, de nos pensées, de nos sentiments ; quant au monde extérieur, matériel, commun à tous, nous le connaissons par nos organes des sens, nous l’étudions dans notre mémoire, nous le construisons avec notre raisonnement ; mais nous n’avons pas un mot pour désigner l’orientation de notre connaissance vers le monde extérieur, opposée à la connaissance de nous-mêmes ; je propose le néologisme d’externospection. Ces mots, introspection et externospection, expriment donc des attitudes tout à fait différentes, et supposent aussi des qualités d’esprit bien différentes.

Dans nos expériences de psychologie, on passe sans cesse de l’introspection à l’externospection, et pour ainsi dire sans avoir conscience de tout ce qu’il y a d’important dans ce changement de point de vue.

Prenons l’exemple de la perception extérieure. Je perçois un objet. Raconter ce qu’est ou ce que me semble être l’objet que je perçois, donner des renseignements sur sa forme, sa structure, sa couleur, sa position, c’est prendre le point de vue objectif, social, c’est s’occuper spécialement du monde extérieur, c’est faire de l’externospection ; au contraire, revenir sur moi-même, sur ce que j’éprouve, faire le détail de mes sensations, expliquer comment, par des raisonnements, des interprétations, des souvenirs, je