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son esprit une foule de mots et de tournures qui n’offrent rien d’intéressant pour le sujet, et qui, par conséquent, exigent l’intervention de son attention volontaire. Ce n’est plus de la mémoire spontanée, de la pure force plastique ; aussi je comprends très bien que Marguerite, qui a un plus grand pouvoir d’attention que sa sœur — des épreuves spéciales nous l’ont montré — donne un résultat bien supérieur.

Du moment où je me suis trouvé en possession de cette idée directrice, j’ai pu imaginer beaucoup d’expériences de mémoire dans lesquelles j’introduisais des doses différentes d’attention volontaire, et d’avance j’étais capable de dire quel résultat j’obtiendrais. Ainsi, j’ai fait reproduire aux deux sœurs des dessins qui n’ont aucun sens ; leurs reproductions sont de valeur bien inégale : on devine que celles d’Armande sont les moins bonnes. J’en citerai quelques exemples que j’emprunte à une expérience du 27 octobre 1901. Chacun des modèles est laissé sous les yeux du sujet pendant 15 secondes ; il le reproduit ensuite sur du papier quadrillé. Bien que je sois très embarrassé pour doser la quantité des erreurs commises, il est évident que les 3 reproductions de Marguerite sont supérieures à celles d’Armande ; cela se voit du premier coup d’œil.

Plusieurs mois auparavant, le 25 août 1901, je leur fais apprendre une série de mots qui sont complètement vides de sens pour elles, et qu’elles doivent reproduire textuellement ; c’est la phrase suivante : You will not come to see me to morrow, because I shall go to the town with my little dog. Deux minutes d’étude sont accordées. Marguerite écrit de mémoire 14 mots, bien qu’elle n’ait pas compris la phrase, elle ne sait pas du tout l’anglais ; Armande n’en écrit que 9 ; de plus, Marguerite ne fait qu’une faute d’orthographe, et Armande en fait deux. Voici du reste leur reproduction : Marguerite : You will not come to see ne to morrow because shall go to town.Armande : You will not come te me murraw… go the…