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ler de M. de Turenne. Mme d’Elbeuf, qui demeure pour quelque jours chez le cardinal de Bouillon, me pria hier de dîner avec eux deux pour parler de leur affliction. Mme de La Fayette y était. Nous fîmes bien précisément ce que nous avions résolu ; les yeux ne nous séchèrent pas. Elle avait un portrait divinement bien fait de ce héros, dont tout le train était arrivé à onze heures. Tous ces pauvres gens étaient en larmes, et déjà tout habillés de deuil. Il vint trois gentilshommes, qui pensèrent mourir en voyant ce portrait ; c’étaient des cris qui faisaient fendre le cœur ; ils ne pouvaient prononcer une parole ; ses valets de chambre, ses laquais, ses pages, ses trompettes, tout était fondu en larmes et faisait fondre les autres.


rédaction d’armande

Je pense que je vais encore vous parler de Turenne. Madame d’Elbeuf m’invita à passer la journée avec elle pour en parler à notre aise. C’est ce que nous fîmes et nos yeux ne séchèrent pas.

Toute la batterie était arrivée et chacun pensait mourir de douleur en voyant un portrait de lui divinement bien fait, que possédait madame d’Elbœuf. Tout le monde fondait en larmes, et ce n’est qu’après un certain temps que nous pûmes nous faire raconter sa mort.


rédaction de marguerite

Vraiment, ma fille, je m’en vais encore vous parler de M. de Turenne. Mme d’Elbeuf, qui est chez M. de Bouillon, m’a prié hier d’aller auprès d’elle ; il y avait aussi Mme de La Fayette nous ne fîmes que soupirer la mort de M. de Turenne, et nos yeux ne se séchèrent pas. Elle avait un portrait divinement bon de notre héros, il vint trois gentilshommes qui pensèrent mourir de douleur à sa vue. Ils nous apprirent que tout le train était arrivé et que tous les gens, les trompettes, etc., étaient fondus en larmes et faisaient fondre tous les autres.

J’ai mis en italiques tous les mots des deux rédactions qui appartiennent au texte ; Armande en présente 29, et Marguerite 60 ; la différence est énorme. Inutile d’ajouter que j’ai pris cette rédaction au hasard parmi plusieurs autres, c’est la plus récente.

Si nette qu’elle soit, la différence de ces deux rédactions ne peut pas être considérée comme significative par elle-même, car on ignore quel est exactement le temps qu’ont mis les deux enfants à lire et à apprendre le morceau qu’elles devaient ensuite rédiger de mémoire. Si Marguerite, par exemple, a mis une demi-heure à l’apprendre, tandis qu’Armande n’a mis qu’un quart d’heure, il serait