Page:Binet - L’étude expérimentale de l’intelligence.djvu/260

Cette page a été validée par deux contributeurs.


CONCLUSION


Les résultats des tests précis mais étroits que nous venons d’employer nous amènent à cette conclusion que Marguerite est, comme pouvoir d’attention, supérieure à sa sœur. Avant de discuter cette conclusion, je crois intéressant de mettre ici ce que les observations de tous les jours m’ont appris sur ce point. J’ai observé que d’ordinaire Armande est plus étourdie que Marguerite.

Étourdie, voilà un mot bien vague. Il m’a semblé que souvent Armande oublie une commission qu’on lui a donnée, une recommandation qu’on lui a faite ; peut-être est-elle moins soigneuse pour ranger ses affaires, et moins regardante pour économiser l’argent de sa bourse. Est-ce parce qu’elle a une force moindre d’attention ? Je croirais plutôt qu’elle est plus insouciante que sa sœur, moins sensible, par exemple, au petit ennui d’un objet perdu ou égaré.

Je trouve un fait significatif dans des notes anciennes, prises quand Armande n’avait que six ans. On avait condamné pour un temps une porte de l’appartement. Marguerite l’apprit très vite, et ne s’y trompait pas, tandis qu’Armande continua longtemps à aller vers la porte condamnée. Croyant d’abord à un défaut de mémoire de sa part, je l’interrogeai, et elle m’apprit que « cela lui était bien égal de se tromper ». Bien souvent, on attribue à une perte de mémoire des distractions et étourderies de ce genre, qui sont simplement des preuves d’insouciance.

Autre fait.

Marguerite, quand elle entreprend un travail auquel elle n’est pas habituée, a une tendance à se méfier d’elle-même ; elle hésite, se désole, elle est persuadée d’avance qu’elle ne réussira pas.