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ter presque à volonté ce nombre des réactions anticipées. Il me suffisait pour cela de prolonger de quelques secondes l’intervalle que je laissais écouler entre l’avertissement « Attention ! » et le contact sur la main ; il se produisait aussitôt une réaction anticipée ; si je recommençais la même manœuvre, en répétant mon avertissement, la réaction anticipée se produisait de nouveau ; j’en ai eu ainsi jusqu’à trois en succession immédiate ; lorsque le mouvement d’anticipation ne se produisait pas, il se produisait en revanche une ébauche très nette d’anticipation, Marguerite avait un mouvement de tout le bras, elle penchait même le corps en avant, mais elle réussissait à se retenir et ne relevait pas le doigt appuyé sur l’interrupteur.

Supposant que Marguerite se trouvait, par hasard, au cours de ces expériences, sous quelque influence inconnue, j’ai laissé passer une huitaine de jours sans expériences, je les ai reprises ensuite, et j’ai encore trouvé la même abondance d’anticipations. C’est là un trait bien caractéristique.

Que signifie-t-il ? Comment pouvons-nous l’expliquer ? Nous n’avons jamais dit à Marguerite, pas plus qu’à Armande, qu’elle devait se garder de partir avant le signal. Cependant, pendant la 14e série, elle nous demande, tout en faisant les réactions : « Il ne faut pas partir avant ? » et nous lui avons répondu : « II vaut mieux ne pas partir avant ; » mais, malgré notre affirmation, elle a encore fait dans cette série et dans la suivante beaucoup de réactions anticipées. En théorie, on peut admettre que l’anticipation des réactions provient d’un excès de zèle, plus précisément que ce phénomène suppose à la fois un grand désir de réagir vite, un peu de surexcitation, et une faiblesse de coordination, un défaut de volonté comme frein. Cette explication toute théorique conviendrait peut-être au cas de Marguerite, mais à quelques nuances près. Tout d’abord, nous remarquons qu’une fois, la pendule ayant sonné, elle