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près insensible aux distractions produites par les bruits extérieurs. Je n’ai jamais vu les deux fillettes troublées par les bruits de la chambre ou du dehors ; elles s’absorbaient complètement dans la recherche des mots.

Cette expérience est exactement celle que Flournoy, sur ma prière, a bien voulu faire il y a six ans sur 43 personnes[1] ; le but était alors différent du nôtre. Flournoy et moi désirions définir l’action de ce qu’on peut appeler le milieu psychologique. « On sait, écrivait Flournoy, combien ce milieu influe sur les expériences de suggestion, notamment sur les expériences dites de transmission de pensée. On croit, quand on a choisi un mot pour le suggérer, qu’on l’a choisi au hasard entre cent mille, en réalité on a subi un certain nombre d’influences inconscientes qui ont considérablement rétréci le cercle de ce choix. Il serait fort intéressant de se rendre compte de l’étendue et des restrictions de cette apparente liberté illimitée d’imagination dont on croit jouir, en comparant les idées que le même milieu fait naître chez des sujets différents. » Des observations récentes m’ont montré qu’une influence au moins aussi grande que celle du milieu est exercée par la personnalité de celui qui fait faire l’expérience. Mais ce n’est pas ce point de vue qui nous intéresse pour le moment j’emploie cette épreuve aujourd’hui pour une fin tout autre, qui consiste à étudier l’idéation dans ce qu’elle a de personnel. Flournoy avait du reste bien compris que ces mots écrits au courant de la plume par une personne peuvent jeter du jour sur les différents types d’idéation, d’association, d’intellection, d’expression ; il revient sur ce point tout à la fin de son étude (p. 188) et il développe longuement sa pensée, en citant à l’appui plusieurs exemples intéressants ; dans l’un des cas, la série de mots écrits, très fantaisiste, paraît se former par des liens phonétiques à peine conscients, tandis

  1. Année psychologique, I, p. 181. De l’action du milieu sur l’idéation.