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ra-t-elle, par exemple ; ensuite, elle donne un grand nombre de détails matériels, précis ; ces détails sont considérés en eux-mêmes, et non rattachés à quelque idée générale ; parfois il y a quelques détails d’érudition, et la description se termine sans conclusion, sans effort de synthèse ; elle se termine d’ordinaire sur un détail particulier, et quelquefois même le sujet écrit qu’il s’arrête parce qu’il n’a plus rien à dire ; telle est la description que Marguerite nous donne des objets comme un livre, une boîte d’allumettes, une plume, etc. C’est une sorte d’inventaire de l’objet. Quand on lui montre une gravure, Marguerite cesse de s’astreindre à la description matérielle, elle exprime aussi le sujet de la scène, et y subordonne plus ou moins de détails ; mais elle ne subordonne cependant pas tous les détails matériels à ce sujet de la scène, et elle garde, à plusieurs points de vue, son type descripteur.

D’où provient ce type descripteur ? Marguerite, pourra-t-on supposer, a compris de cette manière l’épreuve qu’on lui a demandée ; elle s’est imaginé qu’elle se conformait au programme en faisant une description pure et simple ; et vraiment, on ne peut pas lui donner tort, car on lui a demandé une description et non une histoire. Mais je crois que si elle avait eu, en regardant l’objet, une tendance à imaginer, et que cette tendance eût été forte, elle s’y serait laissé aller quelquefois ; or, ses copies ne contiennent pas trace d’imagination.

La description d’Armande, en revanche, appartient au type imaginatif le plus franc ; Armande a les qualités de ce type et aussi les défauts. Les qualités, c’est d’abord une tournure littéraire élégante, des expressions ingénieuses ; sa rédaction a un commencement, un milieu et une fin. Tout se tient, les phrases forment un tout bien unifié. Il y a une impression d’ensemble qui se dégage, et les détails matériels sont d’ordinaire subordonnés à cette impression. Parfois, la phrase prend un ton émotionnel ;