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que j’ai faites avec lui, m’est demeuré insaisissable, car il ne m’a jamais livré que des souvenirs d’érudition. Voici, à titre de curiosité, ce que donne un enfant d’école ; il n’y a pas d’analyse logique, bien entendu, et il n’y a guère de sincérité, à ce qu’il me semble :

J’ai pensé à mes parents, à ma patrie, aux hommes en général, à mon grand-père, à mon frère, à l’école, aux défauts, aux hommes anciens de l’époque préhistorique.

Je crois qu’il y aurait peu de chose à tirer de cette dernière expérience pour connaître le contenu mental du jeune G….

De ce premier essai d’expérience, je rapprocherai un autre, que j’ai fait quelque temps après sur les mêmes fillettes, et qui ajoutera quelque précision aux résultats précédents. Je demande à ces deux enfants de répondre par écrit à la question suivante : « Vous arrive-t-il, parfois, dans la journée, de rêvasser, c’est-à-dire de rester à ne rien faire, pour laisser la pensée aller comme elle veut ? Dans ces rêveries, à quoi pensez-vous en général ? » Marguerite est un peu embarrassée pour répondre, car, dit-elle, « il m’arrive bien rarement d’être entièrement désœuvrée ». Après cette réflexion, elle indique un certain nombre d’exemples de pensées précises, qui ne paraissent pas avoir le caractère de rêveries. Je cite : « Il me semble que je pense parfois à ma leçon de piano, et je me demande si je la saurai.

« Ou bien, je pense à la bicyclette, que c’est ennuyeux de ne pas en faire, que je voudrais être à S… pour voir Margot, etc., etc.

« Mais tout cela, je crois que je le pense aussi bien, lorsque je fais quelque chose ; je ne me souviens pas être restée sans rien faire, et savoir à quoi je pensais. »

Cette auto-analyse, à caractères surtout négatifs, ne devient intéressante que si on la rapproche de celle d’Ar-