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sujet. Leur caractère essentiel, c’est qu’elles se développent en dehors de sa pensée volontaire ; il y assiste en spectateur, il ne les appelle pas, ne les modifie pas volontairement. Il y a une littérature très abondante sur ces exercices de cristal-vision. On la trouvera presque entièrement réunie dans les curieux Proceedings of the Society for Psychical Research, de Londres. Si ces exercices ont été pratiqués avec tant d’assiduité, surtout par des dames anglaises, c’est parce qu’il s’y attachait un intérêt pour cette chasse au surnaturel qui a séduit tant d’esprits en Angleterre. On a trouvé dans le cristal-vision une méthode pour fouiller le domaine de la sous-conscience, méthode comparable à celle de l’écriture automatique. On a constaté, ou cru constater, que, parmi ces images, il y en avait de prophétiques, qui figuraient des événements à venir ; d’autres faisaient revivre des souvenirs complètement effacés, ou pouvaient apprendre des faits entièrement ignorés, par exemple la place d’un objet perdu. La préoccupation du surnaturel a détourné les esprits de la psychologie de ces images spéciales, de même que le culte du spiritisme n’a point porté les adeptes à étudier l’état mental des médiums ni le mécanisme de leurs mouvements.

J’ai donc été un peu étonné de rencontrer chez Armande, qui n’a jamais lu d’études de ce genre ou entendu parler de cristal-vision, une idéation ayant un caractère aussi particulier. J’ai cru d’abord qu’en fermant les yeux et en formant ces séries d’images elle se mettait sans le savoir dans un état un peu artificiel ; mais elle m’a assuré que c’est là sa manière habituelle de penser, quand elle pense avec des images.

Passons maintenant à Marguerite ; si elle s’applique à une représentation mentale, elle en perçoit bien le détail, et cette image a une grande netteté, puisque Marguerite lui attribue souvent la vivacité de la sensation réelle ;