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pas être générale. L’argument paraît formidable, il n’est que spécieux. Si, au lieu de faire de la logique, Berkeley avait fait des observations psychologiques, il aurait vite remarqué son erreur. Nous avons vu deux circonstances au moins — et il y en a probablement davantage — où une image n’est pas particulière : 1o  l’image est précise, mais notre esprit se sent incapable de l’attribuer à un fait ou objet particulier, parce qu’elle manque d’éléments qui permettent de les particulariser, de la dater, de la rapporter à une perception individuelle ; c’est, par exemple, une image de la Vénus de Milo, qui apparaît sans décor la circonscrivant, qui est quelconque. La signification de l’image est négative.

L’esprit, mis en présence de cette image, peut lui dire : vous ne me rappelez rien de particulier, je ne puis pas vous rattacher à une perception qui aurait lieu tel jour, vous manquez de réalité concrète, vous êtes une image incomplète. C’est donc bien une image abstraite, si par là on entend une image appauvrie des éléments qui permettraient de la particulariser. C’est pour des raisons sensorielles qu’elle est abstraite.

2o  Dans d’autres circonstances, l’image n’est pas précise, et c’est son défaut de précision qui empêche de la rapporter à un événement antérieur, et de la particulariser.

Je crois que nous pouvons nous représenter un homme qui ne serait ni petit, ni grand, ni blanc, ni jaune, ni etc. Chez un de mes sujets, nous avons vu se réaliser spontanément une image, qui a la même imprécision : une dame qui est habillée, mais on ne peut pas dire de son costume s’il est blanc ou noir, clair ou foncé ; c’est bien là un experimentum crucis qui répond au défi de Berkeley.

Tout ceci nous montre qu’une image sensible peut se prêter à un acte de généralisation, quand elle ne contient pas en elle-même une particularisation précise. Je ne pense pas que les images de ce genre sont dues à plus de