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nous trompions sur la signification d’une image. Sans doute, ces erreurs doivent être rares. Le sujet représenté par l’image, nous le connaissons d’avance quand il s’agit d’idéation volontaire ; et par conséquent nous avons toute facilité d’interpréter exactement ce que nous visualisons ; il en serait tout autrement, à ce que je suppose, si l’image, au lieu de répondre à l’appel de son nom, venait d’elle-même se présenter, comme un inconnu qu’il faudrait dévisager et reconnaître ; alors il serait possible qu’on se trompât sur l’identité de ses images. C’est ce que j’ai vu autrefois chez des hystériques à qui je donnais des images visuelles en excitant certaines régions insensibles de leur corps ; la sensation tactile n’était pas sentie, mais continuait à provoquer les images visuelles appropriées, et celles-ci, apparaissant dans la conscience sans être précédées d’une pensée volontaire, étaient souvent l’objet d’une erreur d’interprétation. Ainsi, quand j’agitais plusieurs fois le doigt d’une main anesthésique (en dehors de la vue de la malade) celle-ci croyait voir des colonnes en mouvement ; une piqûre sur la peau insensible donnait lieu à l’image d’un point brillant, et ainsi de suite. Ces exemples étaient du reste assez rares ; quand on mettait un objet dans la main anesthésique, en général le sujet recevait l’idée exacte de l’objet.

Enfin, je ferai remarquer que notre conclusion relative à l’indétermination des images, telle que nous l’avons définie, est contraire à cette opinion, vraiment surannée aujourd’hui, qui admet que l’introspection est infaillible parce qu’elle est un mode direct de connaissance.